Côte d’Ivoire : La corruption est devenue presque normale

Lors du retrait de ma nouvelle carte d’identité nationale dans une mairie de la commune d’Abidjan, le vigile à la sortie me fit savoir que c’était l’anniversaire de « ma fille » qui fêtera ses 10 ans bientôt. 

Et donc, pour que la fête soit belle, il ne restait plus que ma contribution. Une technique d’approche visant à jouer sur la sensibilité, qui n’est rien d’autre que du racket. Avec le sourire, j’ai tout simplement souhaité un joyeux anniversaire à « ma fille » en faisant comprendre à mon interlocuteur “qu’on verra ça prochainement”, histoire de m’en débarrasser. 


Ceci n’est qu’une histoire parmi tant d’autres de cas ou tentatives de rackets, corruption, et autres vécus par chacun de nous que ce soit sur la route, pour établir un document administratif, bénéficier d’un soin de santé ou encore passer un concours administratif. 

La corruption, sur toutes ses formes, est devenue banale. Tellement banal que la Côte d’Ivoire est classée en 2021, 105e sur 180 pays avec un score de 36 sur 100 selon l’index de perception de la corruption de Transparency International. 

 

S’il y a corrompu, c’est qu’il y a corrupteur 

 

Dans une vidéo de type micro-trottoir faite par la chaîne d’information ivoirienne 7 Info et qui portait justement sur “Bonne Gouvernance —La corruption expliquée par les Ivoiriens », deux témoignages n’ont pas manqué d’attirer mon attention.


Le premier concerne celui d’un jeune ayant payé la somme de 700 000 FCFA à un monsieur dans l’espoir de réussir au concours du CAFOP. Malheureusement, pour lui, ce fut un échec total (A deux reprises). 


Le second témoignage, c’est celui d’un professeur.

Ce sont les élèves qui ont tenté de me corrompre” introduit-il.

Cela s’est passé lors d’un examen du BAC. Les élèves se sont cotisé afin que ce surveillant puisse les laisser tricher.  

 

Autre illustration de nos implications dans la montée du phénomène de la corruption en Côte d’Ivoire. Il s’agit d’un procès d’un policier. Une famille avait porté plainte contre ce dernier auprès du Tribunal Militaire d’Abidjan, parce que celui-ci avait promis faire entrer leur fils à l’École de Police. 


Vu que cela n’a pu ce faire, la famille a donc porté plainte. Je suppose que si, le jeune avait été pris à l’école de Police, ce procès n’aurait jamais pu se tenir. 

 

Tout ceci démontre bien que, consciemment ou inconsciemment, nous sommes parfois la première source de corruption parce qu’on souhaite aller plus vite sans passer par la légalité. 

 


Le déclin moral, l’une des causes de la corruption en Côte d’Ivoire

 

Dans les zones urbaines, surtout à Abidjan, la honte de certaines pratiques semble avoir disparu. L’individualisme, la recherche du gain facile, la cupidité, l’infatuation, autant de nouvelles valeurs prônées dans nos cités ou même sur les médias sociaux. 

 

Entre un vigile qui subtilement essai de soutirer de l’argent en jouant sur la sensibilité, des parents qui graissent la patte d’un officier de police pour que leur fils soit admis au concours de l’entrée à l’école de Police et des élèves qui proposent de soudoyer un surveillant afin de pouvoir tricher tranquillement lors de l’examen du BAC ; il y a de quoi se poser des questions sur nos valeurs et celles que nous défendons réellement.

 

Dans son adresse à la Nation ivoirienne, le 31 décembre 2021, le Président de la République de Côte d’Ivoire, Son Excellence Alassane Ouattara a estimé qu’il vaut

mieux transmettre à notre jeunesse les valeurs de civisme, de travail et de leadership.

Et je suis parfaitement d’avis au vu de la “normalisation” de certaines pratiques et pensées qui font, par exemple, de la corruption une pratique presqu'acceptable dans notre société.


À chacun de voir s’il continue d’être un acteur ou un frein à la corruption en Côte d’Ivoire

 
La lutte contre la corruption en Côte d’Ivoire doit être l’affaire de tout un chacun. En effet, il nous faudra nous réapproprier certaines valeurs, les incarner le plus possible et les partager autour de nous. En somme chacun de nous doit prendre conscience du canal qu'il représente afin de décider d’être un frein à une telle pratique à contrario décider d'en être un acteur actif à ses risques et périls.

C’est vrai que la dénonciation au risque de représailles empêche bon nombre de personnes de s’adresser aux autorités, de dénoncer. Malheureusement, tant que nous n’allons pas nous saisir de la chose, faire notre devoir d’interpellation et de dénonciation des mauvaises pratiques, nous n’aurions pas suffisamment d’éléments pour apporter des ajustements à la politique de la lutte contre la corruption.

Un numéro vert est même mis à la disposition de la population afin d’attirer l’attention des autorités ivoiriennes sur les faits de corruptions, raquettes et autres : 800 800 11; un numéro gratuit en plus.


Récemment, le Ministère de la Promotion de la Bonne Gouvernance, du Renforcement des Capacités et de la lutte contre la Corruption a présenté une plateforme de dénonciation des actes de corruption et infractions assimilées dénommée SPACIA.

La SPACIA “intègre un numéro vert et une plateforme informatique, avec pour missions de recueillir les dénonciations, les signalements ou alertes des cas de corruption et infractions assimilées, et de procéder à leur traitement”.



« Encore un truc pour nous blaguer '', ou encore “Ceux-là on se connait, ça ne va pas aller quelque part” me dira-t-on à tort ou à raison. Ce que je dis ; c’est qu’essayons cas même et si ne marche pas on aura de quoi dire et redire pour que ça marche. Les outils nous sont donnés, à nous, de dire non à la corruption et d’user des moyens mis à notre disposition pour une Côte d’Ivoire juste et transparente.

 

 

 

 



Commentaires

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Côte d'Ivoire : la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG) recrute

Côte d’Ivoire-Pepsico : ils l’ont fait !

La désinformation et les fake news sur les réseaux sociaux : comment lutter ?